Note d’introduction: En hébreu, le mot employé pour dire “interpréter” et “exiger” est le même: לִדְרוֹשׁ lidrosh. Réinterpréter la Torah avec les libertés que je prends, c’est exiger et revendiquer une connexion intime avec celle-ci. Le texte biblique n’est pas aussi figé qu’on voudrait nous le faire croire, c’est tout le propos de cette Newsletter. L’article qui suit couvre la 5ième parasha/section du cycle annuel - Hayé Sarah - respectivement lue à la Synagogue ce samedi 23 novembre 2024.
Date: 25 Novembre 2150
De: Rebecca@leaucestlavie.com
À: Thérapeutedecouple@estherperel.com
Objet: Hayé Sarah
Bonsoir Esther,
Je vous écris cette lettre car mon amie Déborah m’a dit que vous cherchiez des témoignages de femmes qui ont traversé des périodes difficiles dans leur couple. Je crois que notre histoire avec Isaac pourrait faire un bon épisode pour votre prochain podcast.
Par où commencer, vous demandez ? Par le point mort. C’était il y’a quelques années de cela, je déchantais complètement. J’avais comme l’impression de me réveiller d’un conte de fées et d’avoir atterri dans une mauvaise comédie romantique où le prince charmant, en fait, voulait épouser sa mère. C’était ça son plan initial.
וַיְבִאֶ֣הָ יִצְחָ֗ק הָאֹ֙הֱלָה֙ שָׂרָ֣ה אִמּ֔וֹ וַיִּקַּ֧ח אֶת־רִבְקָ֛ה וַתְּהִי־ל֥וֹ לְאִשָּׁ֖ה וַיֶּאֱהָבֶ֑הָ וַיִּנָּחֵ֥ם יִצְחָ֖ק אַחֲרֵ֥י אִמּֽוֹ׃
Ensuite Isaac emmena Rébecca dans la tente où avait vécu sa mère Sara, et elle devint sa femme; il l’aima et il se consola d’avoir perdu sa mère.
(Genèse - 24:67)
Je me demandais comment j’avais pu m’y méprendre à ce point-là. Je me demandais où était le bouton pour arrêter cette série Netflix qu’était ma vie. Je me demandais si nous étions toutes vouées à répéter ce schéma pathétique d’un homme infantilisé qui fait couple avec l’ombre de sa mère ? Je me souviens d’une soirée où, exaspérée, je lui avais dit: “Il serait peut-être temps de couper le cordon, tu crois pas ?”, et vous savez ce qu’il m’avait répondu avec tout le sérieux du monde ? Attention, préparez-vous, ça vole haut : “Et Romain Gary, tu crois qu’il avait coupé le cordon ?
Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours.
(La Promesse de l’Aube, 1960)
Et Albert Cohen, tu crois qu’il avait coupé le cordon, Albert Cohen ?
Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance. L'homme veut son enfance, veut la ravoir, et s'il aime davantage sa mère à mesure qu'il avance en âge, c'est parce que sa mère, c'est son enfance. J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas.
(Le Livre de ma Mère, 1954)
Et Proust, hein ? Qu’est-ce qu’elle serait, La Recherche du temps perdu, sans sa mère ? Je vais te le dire : n’y aurait pas eu de Recherche!”
Je n’aime dans ce monde qu’une personne, c’est Maman (…) Elle emporte ma vie avec elle.
(Lettre de Marcel Proust à Louis d’Albuféra, 1905)
Reverie,Allan Houser, 1981
C’est fou, vous ne trouvez pas ? D’un autre côté, je ne peux pas dire qu’il avait tout à fait tort, et c’est bien ça le pire : tous nos canons littéraires retracent l’histoire de ce type mi-névrosé, mi-dépendant qui idéalise la mère et sublime sa perte en œuvre immortelle. Et les femmes dans tout ça ? Pouvez-vous me citer une romancière qui campe le rôle inverse, une nana qui s’accroche à son père et pleureniche sur sa machine à écrire ? Spoiler : il y’en a pas. Les Yourcenar, les Colette, Les Françoise Sagan, Les Virginia Woolf, elles ont toutes dû s’arracher à leur famille, exploser les codes, et parfois quitter leur zone de confort et leur statut à coups de dynamite. Vous savez, moi j’ai quitté ma famille à 17 ans, sans filet, sans plan B, et j’ai appris à me débrouiller toute seule. Lui, il n’avait jamais vécu à plus de dix minutes à pied de chez ses parents. Ça vous pose le décor.
וַיִּקְרְא֤וּ לְרִבְקָה֙ וַיֹּאמְר֣וּ אֵלֶ֔יהָ הֲתֵלְכִ֖י עִם־הָאִ֣ישׁ הַזֶּ֑ה וַתֹּ֖אמֶר אֵלֵֽךְ
Ils appelèrent Rébecca et l’interrogèrent: “Veux-tu partir avec cet homme?”
“Oui”, répondit-elle, “Je pars”
(Genèse - 24:58)
Comment j’ai rencontré Isaac ? Comme dans un conte de fée, bien évidemment. Le truc tellement fulgurant que j’en suis littéralement tombée de mon chameau. Isaac et moi avons eu un coup de foudre, tous deux convaincus que nous étions prédestinés l’un à l’autre, par une Force bien plus grande que nous. C’est clair que je l’idéalisais complètement. Vous pouvez attribuer ça à mon immaturité émotionnelle, un romantisme candide – après tout il était ma première histoire – mais aussi, à la fatigue dans laquelle m’avait laissée le voyage depuis Aram, à la tristesse douce-amère de quitter mes parents et surtout à l’éclat dans ses yeux lorsqu’il m’a vue arriver.
וְהַֽנַּעֲרָ֗ טֹבַ֤ת מַרְאֶה֙ מְאֹ֔ד בְּתוּלָ֕ה וְאִ֖ישׁ לֹ֣א יְדָעָ֑הּ וַתֵּ֣רֶד הָעַ֔יְנָה וַתְּמַלֵּ֥א כַדָּ֖הּ וַתָּֽעַל׃
C’était une très belle jeune fille; elle était en âge d’être mariée et n’avait pas encore couché avec un homme.
(Genèse - 24:16)
וַתִּשָּׂ֤א רִבְקָה֙ אֶת־עֵינֶ֔יהָ וַתֵּ֖רֶא אֶת־יִצְחָ֑ק וַתִּפֹּ֖ל מֵעַ֥ל הַגָּמָֽל
Quand Rébecca aperçut Isaac, elle tomba du chameau
(Genèse - 24:64)
Ce jour-là, je perçus en lui tout le potentiel d’un jeune homme marqué par les blessures de son passé qui en était devenu plus tendre, plus doux et plus à l’écoute que les autres. Je crois que c’est ça qui m’a d’emblée touché chez lui. Avec du recul, quelques bonnes lectures et des heures à écouter votre podcast, j’ai réalisé que la rapidité avec laquelle nous sommes tombés amoureux tenait peut-être au fait que nous avions tous deux un désir d’aimer avant même notre rencontre : le besoin avait créé sa propre solution. Je devais bouger de chez moi à tout prix et trouver l’autre qui allait faire foyer pour moi. Lui, il cherchait désespérément à combler l’absence de sa mère et à retrouver une présence féminine qui prendrait soin de lui. Et voilà. On pense que l’amour naît de deux personnes, mais c’est avant tout une histoire de timing. L’apparition de mon élu n’était que le second stade d’un manque affectif antérieur. Mon appétit d’amour avait façonné ses traits avant même que je ne le découvre.
Aujourd’hui, alors que je vous écris cette lettre, je ne sais pas si ce jeune homme que j’ai aimé au premier regard existe bel et bien dans la réalité, ou s’il était juste une formation et déformation de mon esprit, une projection inconsciente, une hallucination que j’avais inventée pour échapper au vide de ceux et celles qui vivent sans ce sentiment, sans cette rencontre, sans cet amour.
En vérité, j’aurais dû flairer l’embrouille dès le départ. Quand Éliézer, le serviteur de son père, est venu chercher une femme pour Isaac, il avait un cahier des charges bien précis : elle devait non seulement offrir de l’eau au premier venu, mais aussi abreuver ses chameaux. Ses chameaux, vous vous rendez compte ? Vous savez combien ça boit, un de ces bestiaux ? Jusqu’à 100 litres chacun ! C’est une citerne sur pattes. Résultat, j’ai passé tout l’après-midi à aider Éliézer, à remplir des jarres comme si ma vie en dépendait – et visiblement, c’était le cas.
וְהָיָ֣ה הַֽנַּעֲרָ֗ אֲשֶׁ֨ר אֹמַ֤ר אֵלֶ֙יהָ֙ הַטִּי־נָ֤א כַדֵּךְ֙ וְאֶשְׁתֶּ֔ה וְאָמְרָ֣ה שְׁתֵ֔ה וְגַם־גְּמַלֶּ֖יךָ אַשְׁקֶ֑ה אֹתָ֤הּ הֹכַ֙חְתָּ֙ לְעַבְדְּךָ֣ לְיִצְחָ֔ק וּבָ֣הּ אֵדַ֔ע כִּי־עָשִׂ֥יתָ חֶ֖סֶד עִם־אֲדֹנִֽי׃
La jeune fille à qui je dirai: “Veuille pencher ta cruche, que je boive” et qui répondra: “Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux”, puisses tu l'avoir destinée à ton serviteur Isaac.
(Genèse - 24:14)
Sur le moment, naïve que j’étais, tout cela m’a semblé parfaitement naturel. Généreuse, hospitalière, j’étais prête à m’épuiser pour un étranger. L’effort physique ne m’effrayait pas, au contraire, j’étais habituée aux courbatures. À la maison, mon frère, Laban, ne levait jamais le petit doigt, il ne faisait que ralentir mon travail par son arrogance et sa cruauté. Je me souviens d’un jour où, sans raison apparente, il avait donné un coup de pied à un chevreau que je nourrissais. Le pauvre animal, si fragile, y avait perdu un œil et avait boité toute sa vie durant, marqué par ce geste brutal. Vous voyez un peu l’environnement dans lequel j’ai grandi … ce n’était pas dur de faire mieux.
Quand je repense à ce petit chevreau, je me dis que c’était toujours moi qui abreuvais, qui allais chercher l’eau à la source, qui marchais des kilomètres avec les jarres sur mes épaules, c’était moi qui nourrissais. Inconsciemment, c’était précisément cela qu’Isaac recherchait : une femme pour continuer à l’allaiter.
וַיְהִ֗י כַּאֲשֶׁ֨ר כִּלּ֤וּ הַגְּמַלִּים֙ לִשְׁתּ֔וֹת וַיִּקַּ֤ח הָאִישׁ֙ נֶ֣זֶם זָהָ֔ב בֶּ֖קַע מִשְׁקָל֑וֹ וּשְׁנֵ֤י צְמִידִים֙ עַל־יָדֶ֔יהָ עֲשָׂרָ֥ה זָהָ֖ב מִשְׁקָלָֽם
Lorsque les chameaux eurent fini de boire, l’homme donna à la jeune fille un anneau d’or pesant environ six grammes ainsi que deux bracelets d’or pesant chacun plus de cent grammes.
(Genèse - 24:22)
Détails. Le serviteur d'Isaac attachant le bracelet au bras de Rebecca, Benjamin West, 1775
Aussi, une chose que je ne vous ai pas raconté, c’est que ce jour-là, Éliézer m’a couverte de bijoux, de parures d’or et d’argent, tout l’attirail. Moi, la fille du petit village, enfermée depuis toujours sous le joug d’un frère tyrannique, j’avais soudainement la sensation de devenir une princesse. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie choisie, je me suis sentie investie, je me suis sentie adorée.
Et ça m’a fait du bien.
Mais une fois installée dans ma nouvelle famille, ce qui m’avait semblé être des cadeaux, m’est apparu comme un salaire déguisé pour un travail acharné. La famille de mon mari, c’est clair, cherchait moins une épouse qu’un cheval de trait : une femme capable de tout porter, de tout organiser, de tout supporter. Le business, les gosses, la maison, les chameaux (évidemment). Et comme une idiote, moi j’ai cru que c’était ça, être une femme. Penser à tout, pour tout le monde, tout le temps, s’assurer que tout le monde vive pleinement, pendant que bobonne s’épuisait en coulisses.
Vidéo de Nessy Messy, sur les mots de Maira Kalman
What do women hold?
The home and the family.
And the children and the food.
The friendships.
The work.
The work of the world.
And the work of being human.
The memories.
And the troubles
and the sorrows
and the triumphs.
And the love.
Men do as well, but not
quite in the same way.
You may be exhausted from holding things
and be disheartened. And even weep if
you are very emotional. Which could be
anyone on any day. With good reason.
But then there is the next moment
and the the next day and
hold on
- Maira Kalman-
Comme vous pouvez vous l'imaginer, les disputes n’ont pas tardé à arriver. Je me retrouvais alors face à un gamin perdu, qui se sentait puni et incapable d’articuler quoi que ce soit. “Je ne sais pas” répétait-il avec des yeux de merlan frit. Mais mec, moi non plus, je ne sais pas! Je ne suis pas ton GPS émotionnel ! Je ne peux pas, en même temps, être fragilisée par ce que tu apportes dans notre couple et en plus de ça jouer les psys à domicile, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
C’est difficile d’affronter un homme en creux, un homme qui n’a pas fait son travail émotionnel. J’avais l’impression de lutter et de m’épuiser toute seule. Lui, il ne voulait rien, pourvu qu’il garde ses habitudes, que les jours se ressemblent, que l’atmosphère ne soit pas hostile, il était bien lui, heureux de l’immobilité. Tu m’étonnes! J’avais l’impression qu’il ne comprenait pas ce que je voulais de lui (ou sans doute, le comprenait il et c’était vertigineux). Tout ça pour dire: j’étais constamment en train de le secouer. Il m’en est aujourd’hui reconnaissant mais bordel ce fut sinueux.
Chaque fois que je mettais ses besoins avant les miens, ou que je nous forçais à trouver une décision claire pour résoudre mes doutes internes, cela me demandait un effort énorme. Ce travail intérieur était épuisant et me laissait avec le sentiment d’être un peu moins moi-même après chaque vague de tensions. C’était comme si, quoi que je fasse, je restais prisonnière de ce cycle infernal : la femme-mère d’un homme-enfant. Lui refusait de prendre ses responsabilités, et moi, je compensais et finissais par m’y enfermer avec lui.
Snow White on the Prince’s Horse, Paula Rego, 1996
Nous étions dans une impasse. Plus je l’enjoignais à “devenir un homme” - ce qui, en y repensant, devait être aussi clair qu’un brouillard épais - et à répondre à mes multitudes attentes et plus ça se fermait. Littéralement, il nous devint impossible de concevoir. Son corps ne répondait plus, il ne bandait plus, et nous nous retrouvions pris dans un cercle vicieux : ce que je percevais comme une distance de sa part renforçait mes propres déceptions.
Le sexe était devenu mécanique, presque utilitaire, et chargé d’un poids qui le rendait problématique. Le lit était devenu le théâtre de nos rôles respectifs et de tous ces non-dits, ajoutant une couche de gêne et de frustration. Zéro passion, zéro spontanéité, et franchement, pas grand-chose à attendre. Un espace ennuyeux où le désir s’était éteint. J’étais en âge d’avoir des enfants depuis longtemps mais je n’arrivais pas à le considérer comme le père de ma descendance. Il le savait et nous nous enfoncions chaque jour un peu plus dans un malheur invisible.
C’est en écoutant une de vos émissions que je me suis rendue compte que nous n’y arriverions pas sans langage. Il y’avait un endroit où Isaac avait coupé avec lui-même, mais je ne comprenais pas à quel endroit ça s’était dissocié, lui qui avait été le bébé miracle du mot, conçu par la parole divine. Sa mère, Sarah avait elle aussi été pendant longtemps stérile. Je crois que c’est à ce moment là qu’il a commencé à rejoindre les deux bouts. Il devrait se battre pour s’émanciper de l’ombre de cette mère envahissante et retrouver son langage propre. Je devais trouver le mien aussi. J’ai compris ce jour-là, grâce à vous, que le pont entre la colère et le dialogue était la curiosité. Comment en étions nous arrivés là ? Je ne savais plus. J’étais crevée, épuisée par des années de travail.
וַֽיהֹוָ֛ה פָּקַ֥ד אֶת־שָׂרָ֖ה כַּאֲשֶׁ֣ר אָמָ֑ר וַיַּ֧עַשׂ יְהֹוָ֛ה לְשָׂרָ֖ה כַּאֲשֶׁ֥ר דִּבֵּֽר
Le Seigneur intervint en faveur de Sara, comme il l'avait dit et il fit à Sara ainsi qu'il l'avait annoncé.
(Genèse - 21:1)
Il fallait qu’Isaac se bouge le cul rapidement car avec l’arrivée de nos jumeaux (dans une douleur extrême), tout s’est aggravé, tous les problèmes avaient décuplé. Je m’étais dit qu’avec des gosses, il allait monter en compétence. Qu’il allait mettre la main à la pâte, partager les charges, assumer son rôle de père. Spoiler numéro deux : toujours pas. Je me suis retrouvée à porter TOUTE la charge mentale, toute seule. C’est moi qui décidais de tout, qui cadrais, qui gérais, qui organisais. Heureusement que, durant ces années-là j’ai eu l’aide des autres femmes de la tribu, leur écoute, leur soutien et leur aide … aussi non il y a vraiment des fois où j’aurais sérieusement pu dérailler.
Je crois que tout a véritablement recommencé pour nous avec la mort de son père, Abraham. Quelque chose s’est débloqué en lui, presque imperceptiblement au début. Et puis, quelques mois plus tard, il y a eu ce voyage à Ur qui a marqué un vrai tournant. Lui qui était si attaché à sa routine, s’est soudain décidé à partir seul, pour des mois, loin de tout et loin de nous. Quand il est revenu, il n’était plus le même. On aurait dit que, pour la première fois, tout ce qu’il portait en lui trouvait enfin un sens.
Dessin trouvé par
Il était plus apaisé, plus à l’écoute, comme si une pression invisible s’était enfin dissipée. Il s’ouvrait à des possibilités qu’il aurait autrefois rejetées en bloc, comme entamer une médiation et un processus thérapeutique. Il voulait enfin que ça fonctionne et était prêt à y mettre l’énergie que je n’avais plus. Au retour de ce voyage, il m’a remerciée pour la première fois, avec des mots empreints de sincérité, et s’est excusé d’avoir été ce partenaire tout à fait absent et minable. Cette transformation m’a permis, de mon côté, d’accueillir sa douleur, de pouvoir me reposer sur lui et réapprendre à lui faire confiance. Il prenait enfin la responsabilité de son bagage émotionnel ce qui me permit de me redécouvrir comme compagne et amante.
J’ai appris à poser des limites claires, non négociables. Très concrètement parlant, j’ai repris une chambre à moi, un espace intime dans lequel je pouvais me recentrer, loin de la charge mentale qui avait insidieusement envahi notre foyer. Dans le même temps, j’ai commencé à animer des cercles de femmes à chaque nouvelle lune, des espaces d’écoute, de soin et de guérison. Je me retrouvais, moi, comme si je ne m’étais jamais connue avant. Il gérait le reste, et quelque part, il me devait bien ça. Les comptes étaient maintenant équilibrés. Mon sentiment d’injustice s’est doucement estompé, et nous avons pu réapprendre à danser.
Et puis il y a eu cette lettre qu’il a écrite à son père – un geste à la fois bouleversant et libérateur. Ça, et les retraites d’ayahuasca qu’il a osé suivre ensuite, l’ont amené à prendre conscience de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de ce que nous sommes ensemble.
Détais. Isaac et Rebecca, Rembrandt, 1665-1669
Je serais ravie de continuer, mais je pense que vous avez saisi l’essence de notre voyage. Si vous souhaitez que je développe un aspect davantage, n’hésitez pas à me le dire. Bien sûr, notre chemin avec Isaac n’est pas terminé, et la vie reste imprévisible, mais j’ai le sentiment qu’on a surmonté le plus dur et ça, c’était pas gagné.
Merci du fond du cœur pour votre accompagnement à distance qui nous a beaucoup aidé durant ces années de sécheresse.
Amicalement,
Rebecca
PS: avez-vous déjà pensé à créer une chaine YouTube ou des ateliers pour les jeunes garçons et ados ? En observant Jacob et Esaü, je remarque combien il leur manque des espaces pour exprimer leurs émotions. Faudrait commencer le plus tôt possible enfaite. Si cela vous intéresse, je serais ravie de contribuer, ayant déjà exploré ce terrain à ma façon.
Je dédie cet articles à mes amies qui refusent de jouer aux mamans. Je vous vois, je vous aime.
Merci pour votre lecture 🙏
N’hésitez pas à partager vos impressions et ressentis par email julia.cincinatis@gmail.com ou de partager cette lettre avec des amie.s susceptibles d’apprécier la démarche.